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mardi 27 janvier 2009

Interview de l’écrivain Webster G. Tarpley : Les hommes derrière Obama/ part 2

Je ne pense pas que cela soit probable désormais. Mais il y a une attaque qui est possible, en ce moment, et c’est contre le Pakistan. Le Pakistan est un pays musulman comptant plus de 160 millions d’habitants, qui disposent de l’arme nucléaire et de vecteurs de lancement. L’été dernier, à Chicago, il y eut un débat parmi les candidats démocrates, et Obama a dit : « Je veux que les États-Unis bombardent le nord-ouest du Pakistan de façon unilatérale. » Mme Clinton a répondu : « Non, ce n’est pas la chose à faire. » McCain n’était pas d’accord, et même Bush non plus d’ailleurs. Maintenant, les États-Unis sont en train de faire ce que demandait Obama. Les États-Unis bombardent le nord-ouest du Pakistan. Et en effet, les troupes US, celles de l’OTAN et les forces afghanes se préparent à envahir le Pakistan, à partir de l’Afghanistan. Alors, pourquoi font-ils cela ? Il s’agit de cette partie du monde à propos de laquelle on parle encore de ben Laden, d’al-Qaïda, de la guerre contre la terreur, toute cette mythologie absurde… Pourquoi font-ils cela ? Parce que le but est de détruire le gouvernement central du Pakistan. Vous avez peut-être entendu les déclarations récentes du Premier ministre pakistanais, M. Ghilani : « Notre honneur et notre souveraineté nationaux ne permettent pas que des troupes étrangères pénètrent sur notre territoire. » Il a entièrement raison. Pourtant, les US et l’OTAN vont faire cela grâce à une nouvelle politique. Le but est de détruire le Pakistan. Vous voyez l’Irak, démantelé en 3 parties ? Le Pakistan lui sera découpé en 4 ou 5 morceaux : le Sindh, le Pashtounistan, le Balouchistan, le Waziristan, etc. Et cela ne s’arrêtera pas là.

Quel est l’objectif ? Ce n’est pas tant qu’il s’agit d’un pays musulman : le Pakistan est un allié potentiel de la Chine. Il entretient des relations amicales avec la Chine, et dans des circonstances de crise mondiale, le Pakistan tendrait à se rapprocher de la sphère d’influence de la Chine. Revenons à notre liste de pays ciblés : l’Iran n’en fait plus partie car il est perçu comme un pion à jouer contre la Russie. Cette liste inclut le Soudan et le Pakistan. Voilà le changement. Et Obama est celui qui a demandé l’attaque du Pakistan, quand tous les autres s’y opposaient. Ainsi, il est ironique de remarquer que McCain était un meilleur ami des musulmans qu’Obama, puisqu’il déclarait : « Je me suis entretenu avec le général Musharaf, et je ne crois pas en l’unilatéralisme. » Mais Obama insiste : « Ce doit être unilatéral. » Ceci est la politique de Brzezinski. C’est certain parce qu’Obama ne sait pas ce dont il parle… Obama ne sait même pas ce qu’est le Pakistan. Il récite ce que lui dit Brzezinski.

L’argument de ce dernier est que les néo-conservateurs sont des imbéciles, tellement obsédés par Israël, le golfe Persique, l’Irak et l’Iran qu’ils en ont perdu la vision d’ensemble. Selon lui, les vraies puissances mondiales sont la Russie, la Chine, 2 pays capables de s’opposer réellement aux États-Unis et aux Anglais, et sur lesquels les USA doivent vraiment fixer leur attention. Dans cette perspective, l’Inde devient un allié important, tout comme le Japon bien sûr. Vient juste de se tenir un sommet entre le Japon et la Chine. Et la grande question fut la suivante : « Le Japon deviendra-t-il une base servant aux opérations de déstabilisation de la Chine que Brzezinski planifie ? » Le gouvernement japonais a heureusement répondu par la négative. Le ministre de la Défense japonais a déclaré que le chaos en Chine serait la pire des choses pour les intérêts du Japon. Le Japon a dit non, tout comme Taïwan, où la population a voté pour le parti le plus raisonnable, celui qui s’oppose aux indépendantistes et souhaite établir de bonnes relations avec la Chine continentale. Le Kuomintang est revenu au pouvoir.

Ainsi, alors que le monde entier s’apprête à prendre position, la finalité d’avoir Obama comme président est de pouvoir poursuivre les mêmes menées impérialistes sous un nouveau visage, après un lifting, une petite opération de chirurgie plastique. Il est bon de présenter un tel visage à l’Afrique… parlons de ce continent. L’objectif en Afrique est de se débarrasser des Chinois. De priver les Chinois de pétrole (nous l’avons vu avec le Soudan), mais aussi des matières premières, minerais et autres dont la Chine a besoin. Brzezinski souhaite isoler la Chine, l’encercler, et l’obliger, en dernier recours, à ne plus avoir d’autres choix pour son pétrole que de se tourner vers les puits russes dans l’Est de la Sibérie. En d’autres termes, le résultat final de cette politique est de faire s’opposer la Chine et la Russie. Pour se débarrasser des 2, les faire se détruire : ainsi, les USA et les Britanniques pourront-ils établir leur hégémonie mondiale pour un autre siècle.

Il existe aussi une stratégie pour l’Europe. L’idée est qu’avec Bush ou McCain, les USA sont détestés, on n’a plus confiance en eux, et personne ne veut collaborer avec eux. La démagogie d’Obama, ce nouveau visage, permet que des multitudes de jeunes et des personnes qui n’ont aucune idée de ce qu’ils sont en train de faire soient dupées et soutiennent ces politiques. Obama espère que l’Europe joigne [les USA] contre la Russie. Mon conseil : « Ne suivez pas ce chemin. Réalisez ce qui est en vue, et refusez-le. Et si Obama vient à Londres, Paris ou Berlin, il sera important que les gens sortent et lui disent : "Nous ne voulons pas de cela." »

Telle est la politique que Brzezinski a définie et qu’il suit : expansion de l’OTAN, bien au-delà des limites qui avaient été définies en 1990 et 1991. Rappelez-vous cet accord stipulant que les USA n’entreraient même pas en Allemagne de l’Est. Maintenant, nous sommes en Lituanie, en Géorgie et en Ukraine, entre autres pays. Nous nous dirigeons vers une crise des missiles en Pologne. Nous avons eu la crise des missiles de Cuba en 1962, ce fut extrêmement sérieux. La crise des missiles en Pologne sera pire, parce qu’il y a des éléments en Pologne, en République Tchèque, et même en Lituanie… il y a des tentacules de ce système dans ce pays, aux portes de la Russie. Quel est le but ? C’est de détenir la capacité de frapper en premier, une attaque-surprise, pour détruire au sol la force de dissuasion nucléaire russe ; ensuite, la vague de missiles russes tirés en représailles peut être annihilée par les missiles basés en Pologne. C’est un pas en direction de la troisième guerre mondiale. Et l’architecte en est Brzezinski.

Un autre exemple, l’indépendance du Kosovo, sous la direction de ce que j’estime être une organisation criminelle, est un autre projet de Brzezinski. Cela a été pensé comme un affront à la Russie. Aujourd’hui, on poursuit Karadzic, capturé. Karadzic est un individu sinistre, mais pourquoi cela se produit-il maintenant ? Quelle est l’intention ? Il s’agit de tendre un peu plus les relations avec la Russie, qui inclut la possibilité se dessinant à l’horizon d’une guerre entre la Géorgie et la Russie. C’est donc bien une stratégie globale. On ne parle plus de l’Irak et du golfe Persique, mais d’un dessein mondial, et de nouveau, le cerveau derrière cela est Brzezinski. Cela se passe en ce moment aux États-Unis.

Laissez-moi apporter une précision. Vous pensez que Bush et Cheney dirigent le pays. Ce n’est plus le cas : ils sont "partis", finis ; ils ne comptent plus. Ils gardent simplement les clés de la Maison Blanche, ils sont là pour la galerie. Pour que le public pense que tout fonctionne normalement. Le pouvoir est maintenant entre les mains de ce que l’on nomme le "Principles Committee" qui regroupe les ministres les plus importants, une sorte de comité interministériel si vous préférez. Le secrétaire d’État [Condoleezza] Rice, le ministre de la Défense Richard Gates [reconduit dans ses fonctions par Obama], Henry Paulson du Trésor [le ministère des Finances], l’amiral Michael Mullen, chef de l’État-major des armées US, un type très important, en font partie. Mais ce sont des bureaucrates, qui n’ont pas de politiques à long terme ; les stratégies qu’ils mettent en place sont celles de Brzezinski.

Pour les résumer : ne pas attaquer l’Iran, signer un Traité avec la Corée du Nord – Cheney en fut horrifié, il en a quasiment eu sa 99e crise cardiaque – et cela est mis en œuvre par Rice ; et au contraire, attaquer le Pakistan, se préparer à attaquer le Soudan, le Zimbabwe, le Myanmar [la Birmanie]… Dans tous ces cas, les raisons invoquées sont d’ordre humanitaire. On ne parle pas de ben Laden ni d’al-Qaïda – le Pakistan étant l’exception. Pour le Soudan et le Zimbabwe, on se justifie en mettant les droits de l’homme en avant. Cela nous ramène à la présidence Carter, n’est-ce pas ? Cela nous ramène à l’époque où Brzezinski dirigeait le Conseil national de sécurité. Telle est la vraie nature du changement : au lieu d’avoir un impérialisme avec des slogans de droite, nous aurons maintenant un impérialisme avec des slogans de gauche. Mais le programme reste exactement le même, ou selon moi, pire, parce que les néo-conservateurs présentaient un "avantage" : ils choisissaient de s’en prendre à des États relativement faibles. Tout le monde savait que l’Irak ne pourrait jamais répliquer directement contre l[e territoire d]es États-Unis. On ne voit pas non plus très bien comment l’Iran y parviendrait. Mais pour ce qui est de la Russie et de la Chine, c’est une autre histoire, n’est-ce pas ? Parce que ces 2 pays disposent de missiles balistiques intercontinentaux et de la puissance nucléaire, qu’ils peuvent se défendre et qu’ils le feront. La partie pour les néo-conservateurs arrive à sa fin, mais vous comprenez qu’au moins eux, ils avaient une sorte de limite à leur folie, alors que pour ce qui est de Brzezinski, la folie est en l’espèce sans limites.

Traduit par Arno Mansouri pour ReOpenNews

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