Les différences linguistiques à l’intérieur du corps expéditionnaire canadien amenèrent énormément de conflit au sein même des brigades, cela rendait le travail des soldats francophones encore plus difficile que celui des anglophones. Le 22e bataillon étant composé à très grande majorité de francophone, tous les faits et gestes de ce bataillon étaient épiés et assujettis à une forte critique. Selon Corneloup ; « aucun bataillon n’eut tant de renommée, ne fut plus surveillé, ne fut plus critiqué […].» Le lieutenant-colonel Tremblay avait conscience de représenter tous les Canadiens français, cette responsabilité qui ce rajoutait à toutes les autres, rendait leur travail encore plus dangereux, puisqu’ils devaient constamment prouver leur valeur à leurs frères anglophones.
« Ces vieux soldats sont encore parmi les plus solides, ils sentent que l’honneur du bataillon repose surtout sur leur épaules… Ils ont tellement sacrifié pour le bataillon que le sacrifice est devenu une seconde nature chez eux. Leurs compatriotes comprendront-ils jamais la tâche pénible, dangereuse qu’ils se sont imposée afin que leur race ne soit pas considérée par les peuples au niveau ignominieux prêché par Lord Beaverbrook. »
Les différents entre Canadiens anglais et français ne se voyaient pas seulement sur les champs de bataille, mais aussi lors des parades ou sur les bases militaires. Les canadiens français devaient défendre leur honneur face aux impolitesses de certains anglophones. Il arrivait souvent que seul les coups de poings puissent faire respecter les francophones. Une différence marquante chez francophone et anglophone canadien fut la religion, cela venait certainement rendre les trop rare permissions plus difficiles chez les francophones. La raison est que durant les permissions, le soldat avait le choix entre aller à Paris ou à Londres, mais les maisons d’hébergements étaient desservies que par des associations protestantes. Tout se faisait en anglais et comble de malheur, les francophones étant majoritairement catholiques, ils ne pouvaient même pas entrer dans ces maisons d’hébergements. Les soldats revenaient, à la suite de leurs dix jours de permission, avec un sentiment de déception.
Le corps expéditionnaire canadien était, durant toute la Première Guerre mondiale, sous la loi militaire de la Grande Bretagne. Du nom de The Army Act, ces lois avaient comme particularité de permettre l’exécution de soldats pour des comportements contraires au courage, à l’honneur et au sacrifice de soi. De tous les bataillons de l’armée canadienne, le 22e bataillon fut le pire d’entre tous avec cinq exécutions comparativement à un seul ou deux pour les autres. L’explication ce tien t’elle dans un manque de discipline plus prononcé du 22e bataillon ou que les francophones étaient plus sévères entre eux qu’avec des anglais? La réponse se trouve sûrement dans le manque de discipline, mais aussi dans une sévérité des peines plus soutenues. Les Canadiens français avaient une réputation à conserver depuis la bataille de Courcelette qui rendit le 22e bataillon célèbre. Nous devons spécifier que les Officiers supérieure canadiens anglais et britanniques n’ont pas fait preuve d’injustice envers les Canadiens français, mais c’est plutôt ses derniers qui furent plus sévères entre eux.
Le 22e bataillon écarté des combats
Le 22e bataillon c’est principalement distingué pour son courage et sa détermination durant la bataille de Courcelette, ce petit village fut transformé par les Allemands en un véritable bourbier. La renommée du 22e bataillon fut inscrite dans ce village comme l’indique des dépêches en provenance de Londres ; « Parmi les troupes qui se sont distinguées, il y avait les soldats d’un bataillon de Canadiens français. » Malgré cette victoire éclatante à Coucelette, le 22e bataillon eu un rôle plutôt maigre lors des autres offensives, ce contenta de nettoyer les poches de résistances, même si le lieutenant-colonel Tremblay faisait de la pression pour voir son bataillon en première ligne. « Le 1er novembre 1917, son désappointement fut grand d’apprendre que son bataillon devrait se contenter de rester en réserve à Passchendaele, alors qu’il devait participer à l’Attaque, selon les plans discutés les jours précédents. » Le 22e bataillon fut aussi écarté lors de la bataille d’Amiens ce qui mit en colère le lieutenant-colonel Tremblay qui fera part au général de la brigade son mécontentement envers cette injustice; « Je fais remarquer au général que mon bataillon a été choisi pour attaquer seulement dans les conditions les plus difficiles alors que les chances de réussir étaient petites, mais que quand il s’agit d’une attaque bien organisée où le succès est assuré […] nous sommes en réserve. » Alors, la question à se poser est ; est-ce que le 22e bataillon était écarté des combats dans le but de ne pas trop donner les honneurs à un bataillon francophone? Le lieutenant-colonel Tremblay semble croire qu’il n’y a pas seulement une coïncidence dans les comportements des Officiers supérieurs, cependant la prudence nous fera croire à un hasard puisqu’ils nous manquent les sources de premières mains confirmant cette attitude des Officiers supérieurs canadiens et britanniques.
Conclusion
En conclusion, nous avons vu que le problème de recrutement des Canadiens français provenant de la province de Québec était explicable par le conflit des écoles d’Ontario, le nationalisme canadien français et par la méconnaissance de la langue et la religion des canadiens français. Aussi nous nous sommes concentrés sur le 22e bataillon puisqu’il aurait été trop difficile d’extraire les canadiens français à l’intérieur des bataillons anglais. Ensuite, nous avons identifié les conditions de vie des soldats canadiens anglais et français qui furent les horreurs de la guerre, bombardement, gaz asphyxiant, température non clémente, manque d’eau, équipements mal adaptés aux guerres de tranchées, soin de santé rudimentaire et condition difficile pour les prisonniers de guerre. Plus loin, nous avons identifié les conflits et différences entre Canadiens français et Canadiens anglais tant au niveau de la justice, des permissions ou du sentiment chez les francophones d’être jugé par leurs faits et gestes. Finalement, nous avons survolé la question hypothétique à savoir est-ce que le 22e bataillon fut écarté des combats? Grâce à ses pistes de réponses, nous pouvons affirmer qu’il y avait effectivement une différence dans la perception, pour les Canadiens français, d’avoir un fardeau de plus sur leurs épaules comparativement aux soldats canadiens anglais. Une question émerge de ce travail à savoir si les canadiens anglais avaient un sentiment similaire aux canadiens français, qu’ils devaient démontrer leur courage et leur honneur face aux Britanniques? Cette question serait très intéressante à développer dans un prochain travail.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire